Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont de véritables amateurs ; le tabac à priser est pour eux l’objet d’une préoccupation sérieuse, ils en raffolent. Pour l’aristocratie chinoise, ce n’est au contraire qu’un luxe, une fantaisie, un genre qu’on aime à se donner. L’usage de priser a été introduit en Chine par les anciens missionnaires qui résidaient à la cour. Ils recevaient du tabac d’Europe pour leurs besoins particuliers. Quelques mandarins essayèrent d’en prendre et le trouvèrent bon. Peu à peu l’usage s’en répandit, tous les gens comme il faut voulurent se mettre à la mode et flairer de la fumée pour le nez. Aussi Péking est encore le pays par excellence des priseurs. Les premiers débitants furent des chrétiens qui firent des fortunes fabuleuses. Le tabac français était celui qu’on estimait le plus, et, comme il arrivait, à cette époque, ayant pour timbre l’ancien écusson aux trois fleurs de lis, cette marque n’a pas été oubliée, et, chose singulière, aujourd’hui encore les trois fleurs de lis sont, à Péking, la seule enseigne d’un débit de tabac.

Depuis longtemps les Chinois manufacturent eux-mêmes le tabac à priser ; mais leurs produits, auxquels ils ne font subir aucune fermentation, ne valent pas grand’chose. Ils se contentent de pulvériser les feuilles, de tamiser la poudre jusqu’à ce qu’elle obtienne la finesse de la farine, et de la parfumer ensuite avec des fleurs ou des essences. Les tabatières chinoises sont de toutes petites fioles, en cristal, en porcelaine, ou en pierres précieuses ; elles sont quelquefois ciselées avec goût et de forme très-élégante ; il en est dont le prix est extrêmement élevé ; à leur bouchon est adaptée une petite spatule en ivoire ou en argent, qui entre dans la