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vinrent trouver le patron, et alors commencèrent des disputes interminables, car on n’était pas encore d’accord sur le prix. Il n’était pas loin de midi quand toutes les difficultés se trouvèrent aplanies. Les matelots entonnèrent leur chanson nasillarde pour virer au cabestan, on déploya les larges voiles en nattes de jonc ; la grosse ancre en bois de fer fut bientôt à flot, et la brise et le courant nous poussèrent avec rapidité loin du port, pendant qu’un matelot frappait à coups redoublés sur un sonore tam-tam pour saluer la terre. Nous nous étions promis une agréable et magnifique journée. La matinée, comme on l’a vu, avait laissé beaucoup à désirer ; mais ce fut bien pis après midi. Le ciel se couvrit peu à peu de nuages, et à peine avions-nous fait un quart d’heure de navigation, qu’une pluie battante nous força de quitter le pont d’aller nous réfugier dans l’intérieur de la jonque, au milieu d’un air étouffant et d’une cohue étourdissante. A peine descendus des montagnes glacées du Thibet, nous eûmes beaucoup à souffrir dans cette espèce d’étuve, où nous n’avions à respirer que les vapeurs brûlantes et nauséabondes du tabac et de l’opium. Après avoir été exposés si longtemps à mourir de froid, nous étions menacés d’être asphyxiés par la chaleur. Telles sont les vicissitudes de l’existence du missionnaire ; mais Dieu ne l’abandonne pas, il soutient toujours son courage et sait lui faire trouver un bonheur ineffable sous les ardeurs du tropique comme au milieu des neiges de la Tartarie. Que la chaleur et le froid bénissent donc le Seigneur ! qu’ils le louent et l’exaltent à jamais ! Benedicite, frigus et œstus, Domino.