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sous la domination des Européens, où la grande masse de la population est toute composée de Chinois, qui, pour la plupart, y sont fixés pour toujours, car ils tiennent concentrés dans leurs mains tous les intérêts de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Ce n’est certes pas la crainte de s’attirer les persécutions des autorités européennes qui peut les empêcher d’embrasser le christianisme ; on ne voit pas cependant que les conversions y soient beaucoup plus nombreuses qu’ailleurs.

A Manille, colonie espagnole, le nombre des chrétiens chinois est assez considérable ; mais cela tient principalement à une loi, portée par le gouvernement espagnol des îles Philippines, et qui ne permet à un Chinois d’épouser une femme tagale[1] qu’autant qu’il aura embrassé auparavant la religion chrétienne. Quand les Chinois veulent donc se marier, ils reçoivent le baptême sans répugnance, et ils se feraient, avec la même facilité, mahométans ou méthodistes, si on l’exigeait. Aussi leur christianisme est-il bien superficiel ; et lorsque, après de longues années, il leur prend fantaisie de rentrer dans leur pays, ils plantent là leur femme et leur religion et s’en retournent comme ils étaient venus, c’est-à-dire sceptiques et ne prenant pas au sérieux les choses de l’âme et de l’éternité.

L’indifférentisme en matière de religion, mais un indifférentisme radical, profond, et dont il est impossible de se former une idée exacte lorsqu’on n’a pas eu occasion de l’étudier sur les lieux, voilà, selon nous, l’obstacle principal qui arrête la Chine depuis tant de temps

  1. Les Tagals sont les naturels aborigènes des îles Philippines, dont la capitale est Manille.