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classique se présente partout avec assurance, avec même un peu de vanité etde morgue, tant il est convaincu de sa valeur. Il est le diapason de toutes les conversations, car il est érudit et surtout parleur. Son organe vocal est ordinairement d’une merveilleuse flexibilité ; il a l’habitude d’accompagner sa voix de grands gestes, et il aime à appuyer sur les accents et à bien faire sentir la différence des intonations. Son langage, parsemé d’expressions appartenant au style sublime, est souvent peu intelligible ; mais c’est encore un avantage, parce qu’il trouve ainsi l’occasion de venir au secours de ses auditeurs en dessinant en l’air, du bout de son doigt, des caractères explicatifs. Si quelqu’un prend la parole en sa présence, il l’écoute en branlant la tête d’une manière compatissante, et son malin sourire semble lui dire : Vous n’êtes pas éloquent. Lorsque le lettré remplit les fonctions de magister, il a bien, au fond, la même dose de prétention ; mais il est forcé d’avoir, au moins extérieurement, un peu de modestie ; car, s’il enseigne, c’est pour gagner sa vie, et il comprend qu’il n’est pas bon d’étaler sa fierté devant ceux dont on peut avoir besoin.

Les magisters forment, en Chine, une classe extrêmement nombreuse. Ce sont ordinairement des lettrés sans fortune qui, n’ayant pu se pousser jusqu’au mandarinat, sont obligés, pour vivre, d’embrasser cette carrière. Il n’est pas, toutefois, nécessaire d’avoir subi les épreuves des examens et d’être gradué pour être magister. En Chine, l’enseignement est libre sans restriction, chacun peut tenir école sans que le gouvernement intervienne en aucune façon. L’intérêt qu’un