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dans sa voix, une douceur mélancolique qui ajoutait beaucoup aux charmes de sa conversation. Qu’on ajoute à la famille du Trésor caché nos deux personnages d’honneur, le jeune fumeur d’opium avec le vieux mangeur de graines de pastèques, et on aura une idée de la compagnie au milieu de laquelle nous nous trouvions. C’était une chose assez singulière que cette position de deux missionnaires français au milieu d’une grande ville chinoise, sur les confins du Thibet, à dix mille lieues de leur pays, vivant familièrement avec des mandarins, pendant que leur sort se débattait entre le vice-roi de la province et la cour de Péking.

La vie du mandarin chinois nous a paru assez peu occupée. Quand le soleil pénétrait dans la ville, Pao-ngan s’installait sur son siège de juge et dépensait sa petite matinée à expédier les procès, ou, pour parler plus exactement, à légaliser les extorsions combinées et arrêtées à l’avance par la scélératesse des scribes de son tribunal. Après ce travail de surérogation, venaient les grandes affaires de la journée, c’est-à-dire le déjeuner, le dîner et le souper. Pao-ngan tenait assez bonne table, car il recevait, à notre intention, une allocation supplémentaire de la préfecture chargée de notre entretien. Cependant, dès le troisième jour, le malheureux ne put résister à la tentation d’ajouter de l’eau à l’excellent vin de riz qu’il nous servait, afin d’effectuer encore un tout petit profit de plus. Il faut absolument que le Chinois use de tricherie et de fraude ; tout gain illicite a pour lui un attrait spécial et irrésistible. Dans les intervalles des repas, les occupations n’étaient pas très-sérieuses ; on fumait, on buvait du thé, on s’amusait à grignoter des