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Le juge de paix Pao-ngan suivait scrupuleusement les prescriptions de l’empereur Khang-hi. Depuis qu’on l’avait installé dans son petit tribunal, il ne rêvait que plaideurs à rançonner ; mais il est bien probable que ce n’était nullement dans l’intention de diminuer le nombre des procès. Un jour que nous lui demandions des renseignements sur la capitale du Sse-tchouen, il nous parla d’un quartier comme étant le plus mauvais de la ville. Nous crûmes d’abord que cet abominable endroit n’était qu’un repaire de mauvais sujets, précisément c’était tout le contraire. Depuis que je suis juge de paix, nous dit Poa-ngan, avec une réjouissante naïveté, ce quartier ne m’a pas donné un seul procès ; la concorde règne dans toutes les familles.

Ce magistrat avait deux fils qui aspiraient à suivre la même carrière ; mais il paraissait probable qu’ils n’arriveraient jamais à visser en haut de leur bonnet un globule quelconque. L’aîné, déjà âgé de vingt-trois ans, et père d’un joli petit Chinois qui commençait à faire assez bien trotter les jambes et la langue, était un homme d’une figure plus que maussade et d’une intelligence supérieurement bornée ; à ces agréments naturels se joignait une prétention qui faisait peine. Il avait étudié toute sa vie ; quelquefois il avait l’air d’étudier encore ; mais le grade de bachelier était toujours à venir. Son père, le Trésor caché, avouait ingénument que son fils aîné était inintelligent. Le cadet était un jeune homme de dix-sept ans, pâle, fluet, et que la phthisie conduisait lentement au tombeau. Autant l’autre nous parut fastidieux, autant nous trouvâmes celui-ci aimable et intéressant. Il avait de l’instruction, un esprit fin ; puis,