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ferme. L’empereur, considérant l’immense population de l’empire, la grande division de la propriété territoriale et le caractère chicaneur des Chinois, en conclut que le nombre des procès tendrait toujours à augmenter dans des proportions effrayantes, si l’on n’avait pas peur des tribunaux, si l’on était assuré d’y être bien accueilli et de recevoir toujours bonne et exacte justice. Comme l’homme, ajoute-t-il, est porté à se faire illusion sur ses propres intérêts, les contestations seraient interminables et la moitié de l’empire ne suffirait pas pour juger les procès de l’autre moitié. J’entends donc, dit l’empereur, que ceux qui ont recours aux tribunaux soient traités sans pitié, qu’on agisse à leur égard de telle façon que tout le monde soit dégoûté des procès et tremble d’avoir à comparaître devant les magistrats. De cette manière, le mal sera coupé dans sa racine, les bons citoyens qui ont des difficultés entre eux s’arrangeront en frères, en se soumettant à l’arbitrage des vieillards et du maire de la commune. Quant à ceux qui sont querelleurs, têtus et incorrigibles, qu’ils soient écrasés dans les tribunaux ; voilà la justice qui leur est due.

Évidemment on ne peut admettre en entier une semblable manière de voir, quelque impériale qu’elle soit. Il est cependant un fait incontestable, c’est que, en Chine, à part quelques honorables exceptions, ceux qui hantent les tribunaux et se font ruiner, quelquefois même assommer par les mandarins, sont des hommes à caractère haineux et vindicatif qu’aucun conseil ne peut calmer, et qui ont besoin d’être châtiés par leurs Père et Mère[1].

  1. Titre que les Chinois donnent aux magistrats.