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On les fit sortir, et le commissaire procéda à un simulacre de perquisition, fouillant çà et là, dans la hutte, sans rien emporter. Pendant ce temps, de nombreux paysans, réveillés par le bruit des deux voitures dans lesquelles étaient venus ces visiteurs nocturnes, accoururent à la taverne de Minnka, sommairement vêtus. Certains portaient des lanternes.

Apercevant Minnka et Minnkou en chemise, ils s’arrêtèrent tous, à distance. Ils n’eurent pas un mot, pas un murmure. La plupart des hommes firent aussitôt demi-tour. Les femmes, muettes, s’attardèrent. Elles se couvraient de leurs mains la bouche ou tout le visage et hochaient la tête, quelques-unes en pleurant.

Les deux « coupables » semblaient ne rien éprouver. Ils se tenaient droits, regardant l’Embouchure et grelottant. On leur permit de s’habiller.

À ce moment arriva père Ortopan, en courant. Minnka le reçut dans la hutte, un doigt sur les lèvres, lui remit les clefs de la taverne et l’embrassa. Le vieux était très ému.

Peu après, les deux voitures prenaient le chemin de Braïla, dirigeant vers la prison ce que le campement avait de plus sain : un homme et une femme qui s’aimaient.

On les condamna, tous deux, à quinze jours de prison correctionnelle. C’est Sima qui l’avait voulu et obtenu, comme on obtient tout ce qu’on veut, dans ces pays-là, lorsqu’on est riche. C’est lui également qui avait exigé du commissaire la mise à la porte, à demi-nus et à la vue de tout le monde, des deux amants.

Contrairement à son attente, la pensée et l’attitude des paysans auxquels il offrit ce spectacle, furent tout en sa défaveur.

Quand même, le malheureux n’avait pas une âme