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ciens tsiganes. Leur plus grand plaisir était de narguer tel ou tel « ennemi », promenant sous son nez voiture, tsiganes, et leur propre personne, bien épanouie. Tard dans la nuit, c’étaient les disputes en famille et les coups.

Effrayées de la débauche des hommes, mères et jeunes filles durent aller elles-mêmes pêcher le poisson, le vendre et faire des provisions de l’article qui leur tenait le plus à cœur : le coton nécessaire aux futurs ourdissages. La trame étant toujours la laine, elles la prenaient au dos de leurs propres brebis. Ainsi, le prochain tissage hivernal des vêtements, des draps, des couvertures et des tapis était assuré.

Mais cette mine d’argent que constituait le poisson ouvrit aux femmes des perspectives inattendues. La retraite totale des eaux dans les régions élevées, voisines de la côte, mirent à nu de larges cavités, peu profondes, où il y avait plus de poisson que d’eau. Les ménagères, se pourvoyant de voitures, allèrent le charger à la pelle, en firent des salaisons et le vendirent au détail dans les villages où les rivières et le poisson étaient également inconnus.

Elles en rapportèrent des mouchoirs pleins de beaux sous, qu’elles confièrent à Tsatsa-Minnka. Et l’on put voir tout de suite combien la femme est plus morale que l’homme. Chacune s’empressa d’améliorer la vie du ménage, achetant des outils, réparant la charrette, habillant les enfants et les nourrissant mieux. Tout le campement fut égayé par l’apparition d’une foule féminine en vêtements de fête, dont la multitude de couleurs vives faisait la joie du soleil.

Tsatsa-Minnka en fut la première heureuse. Elle devint la confidente de toutes les ménagères et leur caisse d’épargne.

Mais ce charme allait être brusquement rompu.