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combien ils devaient et payer ce qu’ils pouvaient, le tout ou une partie.

Pendant les trois semaines que la crue demeura stationnaire, les recettes de la taverne furent assez mauvaises, et Tsatsa-Minnka dut puiser dans ses économies pour regarnir les rayons qui se vidaient. Puis, commença la baisse, l’eau n’arrivait plus qu’à la poitrine de l’homme.

Alors ce fut la ruée au poisson, tant qu’on vit de l’argent dans toutes les mains. On pêchait par tous les moyens : au filet, à l’épervier, à la fourche de fer, au panier défoncé et même à la main. Le poisson, gros et petit, était vendu aux banlieusards de Braïla, à des prix qui permirent aux plus misérables de s’en payer tous les jours.

Aussitôt, la taverne connut une prospérité qui effraya Tsatsa-Minnka. Remboursement de dettes et vente quotidienne gonflèrent la caisse à craquer, malgré la modicité d’un bénéfice plus que raisonnable. Elle vit alors comment se font les fortunes et jusqu’à quel point Sima n’était au fond qu’un faux généreux, ne sacrifiant qu’un surplus de bénéfice qui était presque une volerie.

Le campement des inondés prit une physionomie journalière que le village n’avait jamais connue : le matin, c’était la pêche ; jusqu’au soir, la vente du poisson à Braïla ; et la nuit, une noce à tout casser. Les taverniers qui ne pouvaient auparavant tenir tête à la concurrence de Minnka, reçurent à bras ouverts tous les ivrognes et firent de brillantes affaires.

Les paysans commencèrent d’abord par se vêtir, puis, comme le poisson se vendait bien, ils passèrent vite à la joie. Une partie de l’argent était laissée, tout de suite, dans les bistrots de la ville, d’où ils rentraient souvent en voiture de luxe, et accompagnés de musi-