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digérer ce qu’on leur avait fourré dans le ventre et commençaient à avoir des renvois qui s’exprimaient par des millions de bulles blanchâtres dont leur surface se couvrait chaque jour davantage.

L’humanité, plus débrouillarde, fit bonne figure à mauvaise fortune. Pendant une semaine, elle se lamenta, acariâtre, de ne pas savoir où caser son fourbi. Les mères manquaient d’espace propre à abriter la précieuse dot de leurs filles. Les hommes manquaient de planches et de clous pour leur créer cet espace, toujours insuffisant. Les femmes ne trouvaient le calme qu’après avoir bien frappé leurs filles, les hommes, qu’en cognant dans le tas. La jeunesse battue prenait sa revanche, en se livrant aux délices des promenades nocturnes sur des routes solitaires.

Mais, à l’expiration de la semaine qui suivit l’inondation, le campement finit par prendre sa physionomie définitive. Elle était, topographiquement, celle du village : les huttes des ménages se rapprochaient entre elles ou s’écartaient selon la sympathie ou l’antipathie réciproque des gens. Il n’y eut que le ménage Vadinoï qui jugea sensé de se choisir un emplacement tout à fait isolé du parc commun. Père Ortopan, plus humain, s’établit dans le voisinage de ses enfants, dont la hutte se trouvait au milieu du campement général.

Ce n’était pas par hasard qu’elle occupait cette place.

Minnka savait que l’inondation allait durer au moins deux mois, avant que le retour au village fût pratiquement possible. Pendant ce temps, l’existence devait reprendre son cours. Les ménages allaient avoir besoin d’une taverne-épicerie qui leur fournisse le nécessaire.

Elle leur en donna une, généreuse ainsi qu’elle