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Il n’y eut que Tsatsa-Minnka pour n’avoir point besoin de pope, bien qu’elle eût, comme tant d’autres, son « bébé de la forêt de maïs ». C’est que Minnkou, le père de son Mitroutsa, était parti de par le monde et ne devait plus jamais revenir.

Tant pis pour le pope et pour Minnkou. La jeune mère n’en était pas moins heureuse. Père Alexe était mort pendant l’hiver ; Minnka avait fait venir chez elle sa bonne mère et leur petit Zamfirica, monté un métier pareil à celui qu’avait Ortopan à Japsha Rouge et gagné le pain quotidien en fabriquant, à l’exemple de la plupart des paysans, de belles nattes et de beaux paniers.

Tsatsa-Minnka, veuve et héritière unique de Sima Caramfil, aurait pu faire autrement. Elle ne le fit pas. Elle céda tout le legs à la nombreuse et avide parenté de feu son mari, contre une voiture, un cheval et la somme de cinq cents francs.

Avec sa maisonnette et son enfant, c’était tout ce qu’il lui fallait pour être heureuse, elle, qui avait goûté à la fortune et savait ce que celle-ci lui avait coûté.

Certes : souvent, quand elle attelait pour partir à la coupe de jonc, ses yeux s’emplissaient de larmes. Elle les essuyait bien vite, car dix autres voitures passaient au galop devant sa maison bordée de géraniums et dix jeunes voix lui criaient :

— Tsatsa-Minnka ! Dépêche-toi ! La « coupe » sera belle aujourd’hui !

PANAÏT ISTRATI.
Le Muids-sur-Nyon
juillet-août 1930.