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parfois de chiens et de chats, crevés, dont la charogne, souvent introuvable, empestait les alentours de la maison. Dans les mares, dans les fossés des chemins, en rase campagne, du gros bétail noyé ailleurs et entraîné par les eaux surgissait, de la boue qui les couvrait, et rendait l’air du pays chaque jour un peu plus irrespirable.

Les végétaux mêmes, des cultures surprises par les flots, formaient d’immenses cloaques qui exhalaient des miasmes fétides, presque aussi insupportables que ceux des cadavres. Les vieux habitants de l’Embouchure ne se souvenaient pas d’avoir vécu pareille calamité.

On voyait parfois des gens qui couraient à travers champs, à la recherche d’une bouffée d’air pur. On souffrait moins de la faim que de la puanteur, et il était plus facile de calmer la première que de remédier à la seconde.

Cela dura pendant tout l’automne, qui fut doux. Des cieux de plomb alternaient avec des journées ensoleillées. À la fin, les paysans parvinrent à avoir raison des épidémies, qui s’en allèrent, satisfaites. Alors on se jeta sur les charognes, que chiens et corbeaux dévoraient, et on les enterra.

Vers le début de décembre, un gel sec pétrifia tout.


REDRESSEMENT


C’était le mois de mai de l’année suivante, qu’on appela plus tard : « le mois des géraniums et des bébés de la forêt de maïs ».

Le géranium est une fleur qu’on aime beaucoup chez nous. Jeunes filles et jeunes femmes la portent