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savait par qui. À midi, l’arrivée du juge et l’apposition des scellés brisèrent l’élan des pillards.

Ce jour-là, justement, il faisait beau, après une semaine de pluie. Et c’eût été une joie pour tout le monde, si le soleil n’avait pas brillé sur une Embouchure qui commençait à enterrer ses premières victimes, celles que les épidémies et la famine avaient faites depuis la retraite des eaux.

Les voitures des paysans rapportant les vivres, croisaient celles qu’un cercueil avait transformées en corbillards. Le chemin était le même, pour rentrer à la maison ou pour aller, en sens contraire, au cimetière. Ni l’un, ni d’ailleurs l’autre convoi ne faisaient grande attention à ce que transportait celui qui venait à sa rencontre. À peine, si les moins tristes s’arrêtaient un instant pour saluer le mort, ôtant leurs bonnets et se signant. À peine, également, si quelques yeux humectés de pleurs se retournaient pour lancer un regard inconsciemment envieux sur celui qui rentrait chargé de provisions.

On était las, et de la longue maladie, et de la santé inébranlable. La lutte était tout aussi dure pour combattre l’une que pour supporter l’autre. Chacun désirait ardemment la fin de cette lutte, au prix même d’un cataclysme : incendie général, nouvelle inondation ou mort collective.

On se voyait lentement envahir par la mort et la pourriture. Tout mourait autour de soi et tout pourrissait. Dans les ménages, la putréfaction commençait avant la mort et continuait après l’enterrement du cadavre, tant les vivants étaient eux-mêmes à moitié pourris.

La mortalité parmi les bestiaux et les volailles allait de pair avec celle des humains. Le hameau était plein de brebis, de pourceaux, de dindes, de poules,