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plus de voiture à vivres arrêtée dans le voisinage de la commune. Maintenant, c’était son magasin même qu’il mettait à la disposition des sinistrés. Des enveloppes, remplaçant les cornets, contenaient peu de métal et pour cent francs de billets de banque, plus le bon, dont la quantité de vivres était quintuplée.

Sima voulut prévenir les ménages que c’étaient là des aides collectives que les familles moins nombreuses devaient partager entre elles. Il n’y parvint pas ; il n’arriva pas non plus à les avertir que les provisions, il fallait les chercher à son épicerie, dans la ville. L’alerte du village lui fit comprendre qu’il était identifié.

Peu après, il en eut la cruelle certitude. Comme il lançait par-dessus les palissades les dernières enveloppes, un homme lui prit le bras. C’était son beau-père, Alexe Vadinoï, qui lui dit, furieux :

— Que fais-tu là, fou !

Sima éprouva un écœurement et une colère qui lui coupèrent le souffle. Il répondit :

— Ne me touche pas, saloperie !

Et rassemblant le reste de ses forces physiques, il s’enfuit. Mais, au lieu de se diriger vers sa voiture, qui l’attendait à la barrière de la côte, il fonça inconsciemment dans la direction opposée à la ville et s’égara dans un champ. Une déchirure aiguë, dans les poumons, lui fit serrer sa poitrine entre les mains. Aussitôt, sa bouche s’ouvrit toute seule, sous la poussée d’un flot de sang.

Il gémit faiblement :

— Minnka !

Et tomba, face au sol, pour ne plus se relever.