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brisées ; un tendre ménage anéanti ; un pays livré à toutes les calamités. Par sa faute, à lui, Sima, qui ne voulait que gagner de l’argent, encore et encore.

Il fonça sur les chaumières et y vida ses poches, puis, défaillant, il prit le chemin du retour, vers la maison du cantonnier, où la voiture aux provisions était garée. En route, il croisa les premiers secourus. Hommes et femmes, à cheval et à pied, rentraient, chargés de vivres.

Dans son désir évangélique de garder l’anonymat, il tâcha d’éviter les pauvres gens, mais une vieille le reconnut. Elle laissa tomber son sac, lui attrapa une main et la couvrit de ses larmes, en gémissant :

Milostive… Milostive… Qui es-tu ? « Articule » ton nom, pour que nous puissions le rappeler dans nos prières !

— Un homme malheureux ! répondit Sima, s’arrachant à elle.

Le lendemain à midi, une file ininterrompue de voitures à un cheval, transportant un wagon de bois de chauffage, arrivait dans le hameau. La distribution en fut faite, sous la surveillance d’un ami intime de Sima, qui se refusa à toute réponse aux brûlantes questions que lui posèrent les sinistrés sur la personne du Milostive.

Et le soir, par un temps identique à celui de la veille, Sima fit de nouveau son apparition. Mais, cette fois, chaque ménage montant la garde, dans l’attente du bienfaiteur, celui-ci dut changer de tactique. Il se contenta de passer rapidement devant les portes et de lancer son aide, — argent et bon, — dans la cour, sans plus voir les gens.

Cet émoi du village, bien qu’il l’eût prévu, contraria Sima, car ce second secours était différent du premier et exigeait des explications. Il n’y avait