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bêtes dont l’horrible odeur trahissait la présence dans les fossés du chemin. Il passa près d’un puits et s’y arrêta, triste. Le bras du levier gisait à terre. Les margelles n’existaient plus. C’était un trou béant dans lequel gens et animaux pouvaient facilement tomber. Cela lui disait long sur l’état du pays.

Il fut mieux fixé, dès qu’il eut rendu visite aux premiers ménages. Visite de mendiant : il entrait dans la cour, s’approchait des fenêtres, épiait, puis, frappait timidement à la porte. Quelqu’un ouvrait et reculait aussitôt devant sa tête suspecte, emmitouflée jusqu’aux yeux. Il en profitait pour jeter un coup d’œil furtif à l’intérieur, mais ne s’attardait pas. Offrant un cornet, deux, parfois trois, il répétait d’une voix chuchotante les mêmes instructions qu’il avait données à la gamine et disparaissait dans la brume et le noir.

Partout, la même promiscuité, la même misère sinistre. De cinq jusqu’à douze membres de la même famille, entassés les uns sur les autres dans la seule pièce chauffée, ou plutôt fumante. Pour toute nourriture : une marmite de terci, bouillie claire à la farine de maïs. Des malades enveloppés dans des hardes. Des faces maigres fiévreuses ; des cous amincis ; des voix éteintes.

C’était l’épidémie de typhus unie à la famine.

Épouvanté, Sima se crut responsable de toute cette souffrance, lui, qui possédait des tas d’or inutile, d’immenses stocks de vivres, de vêtements et de bois de chauffage. Les paroles de Minnka, l’invitant à prendre en mains l’économie d’un pays en détresse et de l’administrer humainement, lui retentirent dans le cœur, comme un terrible commandement biblique.

Maintenant, c’était trop tard. Il se sentait mourant. Sa femme l’était aussi, peut-être. Deux vies