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Et comme un jour elle le lui faisait remarquer, il répondit en lui flanquant une gifle.

C’était le barbatt, à n’en pas douter. L’héroïsme en moins.

Minnka encaissa le soufflet sans piper mot, leva les bras au ciel, comme pour dire : « Je me rends ! » et alla montrer sa joue en feu aux eaux en retraite :

— Tout vient avec vous… Tout s’en va avec vous…

Par le temps couvert de cet après-midi-là, la nappe grisâtre se confondait avec l’horizon, dans une immobilité oppressante. Elle n’avait plus d’âme. Elle était morte. L’océan vivant des jours de l’inondation était devenu une masse de plomb. Le Sereth et le Danube lui avaient tourné le dos, lui avaient retiré la vie.

À quelque distance d’elle, Minnka vit des enfants qui fouillaient dans les mares. Elle alla vers eux. Ils ramassaient du fretin à demi asphyxié et qui puait la vase. Finis, les beaux brochets, les belles carpes, la délicieuse tanche, qu’on chargeait par voitures, du temps des huttes, sur le plateau !

Zamfir était là.

— Comment ça va, à la maison ? lui demanda-t-elle.

— Pas mal… Nénika Sima nous envoie tout ce qu’il nous faut. Nous ne manquons de rien.

— Et le père, que dit-il ?

— Il dit que c’est très bien que tu sois malheureuse.

— Et toi… Qu’en penses-tu, Zamfirika ?

Le petit se jeta dans les bras de sa sœur et pleura.

Minnka rentra chez elle en monologuant dans sa tête : « Ainsi, mon Minnkou n’était un vaillant que parce qu’il vivait dans la pauvreté. Maintenant qu’il goûte de l’aisance, le voilà défiguré. Eh bien, d’ici à une semaine, nous n’aurons plus que nos murs et peu de choses pour nos bouches. »