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Néanmoins, son amour l’emporta sur la tristesse de ces révélations : « Je le corrigerai. » Mais voilà que Minnkou s’érigeait en maître absolu, lui interdisait de « dissiper le bien commun ». Dissiper ! Ce qu’elle considérait comme la joie suprême de sa vie, — secourir les vaincus, — son idole l’appelait dissipation. Mais, c’était là, du pire Sima, car l’autre avait tout de même ses libéralités ; il avait de plus l’excuse de n’être né que pour faire fortune et de posséder toutes les vertus nécessaires à ce but, alors que Minnkou ne pouvait distinguer du vin bon le mauvais, ni laver convenablement un verre.

Pourtant, cet homme la tenait par toutes ses fibres. Il vivait dans sa chair. C’était son barbatt. Elle ne concevait plus sa vie sans lui.

Déchirée entre sa passion chamelle et sa générosité, Minnka ne voyait plus de salut que dans un prompt retour à la sainte indigence d’autrefois. « Ouvre à l’homme la perspective de l’enrichissement, et son âme est perdue ! » se disait-elle. Que restait-il de son Minnkou de la Japsha Rouge, le vaillant garçon qui portait une montagne de nattes sur ses épaules, jusqu’au marché de Braïla, pour n’en tirer que de quoi vivre, lui et son père ?

Elle en avait fait un vil tavernier, dont les mains et les joues commençaient à s’amollir, dont le regard devenait chaque jour plus faux, et qui n’aimait plus sortir qu’en gilet et en escarpins brodés. Quant à la peine que leur commerce exigeait constamment de tous deux, il en abandonnait le plus dur à sa compagne, ne s’occupant que des futilités et s’adonnant toujours plus aux plaisirs de la table, de la sieste et de la promenade.

Ce penchant à la luxure, pratiqué sous les yeux d’une générale souffrance, finit par agacer Minnka.