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pouvait se le procurer. On brûla arbrisseaux, vigne, palissades, dégoulinant d’eau. On n’en obtint que de la fumée.

Point de ménage qui n’eut son malade. Et certains étaient devenus de vrais hôpitaux, tous les membres de la famille gisant à terre. Pneumonie, pleurésie, malaria, tuberculose. En plus, la faim.

— Tsatsa-Minnka ! Sauve-nous !

C’était le cri de tous les enfants en détresse.

Chez Tsatsa-Minnka, la discorde battait son plein. Elle s’était fait construire une modeste maisonnette de trois pièces. L’une des trois, la plus grande, contenait l’épicerie et les boissons, amoureusement rangées ainsi qu’elle l’avait rêvé. La seconde, contiguë au magasin, constituait tout l’appartement du jeune ménage. La troisième était occupée par le vieil Ortopan, que les rhumatismes et la mélancolie immobilisaient. Le pauvre père souffrait de voir son fils devenir toujours plus grossier avec celle qu’il considérait comme sa bru. Sachant quel avait été son amour pour elle, il ne comprenait plus rien à l’âme de son enfant.

Minnka comprenait et baissait la tête devant son destin. Elle voyait naître dans cette âme le besoin de parvenir. Sourdement, sans l’avouer, sans la moindre franchise, Minnkou nourrissait l’ambition de s’enrichir. Elle l’avait souvent vu prendre ces attitudes de tavernier égoïste, qu’obsède seul le désir du lucre : flatteur avec le client qui boit sec et paie comptant ; glacial avec celui qui n’a pas d’argent, quel qu’il soit. Elle l’avait même quelquefois surpris en train de mouiller du vin et de l’eau-de-vie, de charger la note d’un consommateur ivre, opérations malhonnêtes qu’elle avait en horreur par-dessus tout. Les tendres reproches qu’elle lui en fit, n’eurent d’autre résultat que de le rendre sournoisement circonspect.