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avec les eaux, car la vie était plus douce pendant qu’elles étaient là : on y pêchait. On avait même connu une abondance qui faisait à bien des gens bénir l’inondation. Elle aurait pu se stabiliser. Maintenant, au seuil de l’hiver, un pays mort et aucun moyen de vivre, voilà ce qui restait à chacun.

Pieds et jambes nus jusqu’au-dessus des genoux, les paysans pataugeaient du matin au soir dans la boue molle, vaquant au plus pressé de la besogne : débouchage des rigoles, desséchage des maisons, remplacement du matériel pourri. On quittait sa hutte à l’aube et on y rentrait la nuit, fourbu, affamé. Nulle aide administrative. Que chacun se débrouille, la faute étant à Dieu.

Aussi fut-ce encore Tsatsa-Minnka qui dut venir au secours des plus malheureux. Elle leur distribua toutes ses économies, ne gardant pour elle que le strict nécessaire à son installation définitive dans la commune. Et tout de suite, sa largesse changea l’humeur de Minnkou. Il désapprouva sa compagne, lui dit brutalement qu’il n’avait aucune envie de travailler pour les autres.

Minnka lui prit la tête dans les mains, le regarda longuement dans les yeux, et ne répondit rien, mais son cœur alla promptement à la dérive.

On était vers le milieu d’octobre. Le temps se maintenant sec, chacun put, tant bien que mal, rafistoler son foyer et le réintégrer. Alors commença une misère noire, que les malades rendirent plus atroce encore.

Maisons humides. Aucun moyen de chauffer ni d’activer le desséchage. Le roseau, cet unique matériel de combustion, étant toujours inondé, personne ne