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Sima fut atterré. En chantant à tue tête, Minnka le fixait droit dans les yeux, dandinant son corps et riant de toutes ses belles dents.

Les huées expirèrent sur les lèvres de la bande. L’un des chenapans cria, se tapant la cuisse et s’adressant à Sima :

— Eh bien, mon vieux, elle en a du culot, ta garce !


LA RETRAITE DES EAUX


Quand elles affluent sur l’Embouchure, les eaux sont pareilles à un amour intempestif qui envahit un cœur paisible, l’effraye de tout l’inconnu qu’une telle visite peut comporter. Quand elles s’en retirent, leur adieu vide les âmes, dans un mélange égal de regrets et de reproches, semblable à celui que nous ressentons le jour où une passion violente nous abandonne, après nous avoir fécondés de tout son bien et de tout son mal.

Sous le soleil tiède d’un début d’octobre plutôt frais, les innombrables mares que le déluge avait laissées derrière lui, croupissaient à l’infini, rendaient impossible la réintégration des foyers, tandis qu’au loin, la ligne argentée des eaux en retraite semblait sourire malignement à l’œuvre de destruction que son recul révélait aux paysans : maisons ruinées ou effondrées ; récoltes de maïs ensevelies sous la vase ; arbrisseaux et vignes desséchés ; parcs de fourrage disparus ; puits bouchés ; clôtures renversées et enfouies dans leurs fossés, presque nivelés.

Silence. Solitude. La vie des inondés s’en allait