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ils montrèrent le plus de sang-froid, de vaillance et de promptitude.

Vers trois heures de l’après-midi, le tapage des constructeurs de radeaux s’apaisa. Alors on vit toute la jeunesse mâle, soldats et civils, prendre d’assaut les tavernes du village. Les flûtes surgirent. Le vin coula. Flûtes et vin embrasèrent les têtes. Des danses folles s’engagèrent devant les bistrots, où l’on put voir des gars en caleçons, parfois nus jusqu’au ventre, faire trembler la terre en des batouta effrénées.

Timides, honteuses, mais ne pouvant plus résister à l’envie de danser, les jeunes filles s’approchaient tout doucement. Les soldats les conviaient :

— Allez-y ! Ça ne fait rien !

Tsatsa-Minnka les empoignait par la taille et les précipitait, une à une, dans les bras des danseurs :

— Mais oui ! Mais oui ! C’est l’inondation !

Le soir n’était pas là, que l’eau y fut. Ses tentacules qui serpentaient en tous sens, devançaient les flots de quelques centaines de mètres, comblant les fossés, les puits et envahissant les chaumières dont le sol est toujours plus bas que celui de la cour.

On avait envoyé des patrouilleurs marins au secours des hameaux inondés depuis la veille. Ils en rentrèrent, chaque barque remorquant toute une file de petits radeaux de fortune, dans lesquels on voyait beaucoup de monde et peu de bagages. À leur arrivée, Minnka et Minnkou accoururent. Père Andreï Ortopan n’y était pas ; et les marins rapportèrent qu’on ne voyait plus trace de ménage à Japsha Rouge. Même le merveilleux parapet de saules avait été emporté par le Sereth.

Cette implacable nouvelle eut sur Minnkou un