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— Ah, l’inondation ! s’écria-t-elle. Tu as raison. Dépêchons-nous !

Ils rappelèrent Zamfir, cassèrent la croûte et sortirent, mais il ne leur fallut faire qu’une centaine de pas pour se convaincre qu’ils arrivaient trop tard : du bord du plateau, avant de s’engager dans la descente, le coup d’œil qu’ils jetèrent sur la vallée de l’Embouchure, ne leur fit voir qu’une seule nappe d’eau qui allait du Danube à Cotulung et de Vadeni à proximité de Baldovinesti.

Japsha Rouge, le Lac de l’Allemand, Ialou, Zacra, Yézercan, la Fosse du Berger étaient sous l’eau. À la place de tout un pays, plus que ciel et eau. Seuls, Piétroï, Baldovinesti et le Village Allemand, qu’on voyait aux pieds du plateau, se maintenaient encore, mais le déluge les cernait déjà de trois côtés. Il ne leur restait qu’une issue : le chemin de Braïla.

Longtemps, Minnka, Minnkou et Zamfir, transis d’horreur, ne purent articuler un mot. Puis, le jeune homme dit :

— Allons, tâchons de sauver au moins tes parents et d’aider les gens du village. Pour mon père, je ne puis plus rien, d’ici. Quel est son sort ? Est-il noyé ? Est-il réfugié sur le toit ? Où est-il parvenu à se bâcler un radeau ?

Ils descendirent la pente en courant.

Les premiers ménages paysans leur révélèrent l’état désespéré de la région : c’était l’exode. Les enfants poussaient vers le plateau de Braïla des troupeaux de vaches, de veaux, de bœufs et de brebis. Des attelages chargés n’attendaient que le signal du départ, au milieu de cris, de pleurs et de jurons.

Ce signal fut donné, sous les yeux de nos héros, par un cavalier qui venait au galop, claquant de son gros fouet de corde appelé gârbaci. La pétarade assourdissante, ainsi que sa voix métallique, faisaient se préci-