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amie à une situation imprévue de veuve richissime.

La jeune femme fut étonnée de l’affublement de son aimé : une ghéba par de telles chaleurs ! Le rejoignant, elle le toisa et lui manifesta sa surprise.

— J’ai fait la garde, ces dernières nuits, expliqua-t-il confus.

— Ce n’est pas vrai ! Qu’est-ce que tu caches sous la ghéba ?

Et elle le saisit à bras le corps, toucha le fusil et maîtrisa promptement son émotion, à cause de Zamfir. Ils cheminèrent dans le silence.

Du moulin à vent à la maison du cantonnier qui surplombe l’Embouchure, la distance est de quatre kilomètres. Ils la couvrirent sans échanger un mot. Ici, une taverne rustique invite le passant à une petite halte. Ils y entrèrent, et tout de suite Minnka fut saisie d’un bonheur enfantin. Intimant au garçon de les laisser un moment seuls, elle chuchota à Minnkou, dès qu’ils eurent pris place à une table :

— C’est une cârciuma comme celle-ci, pas plus belle, que je veux avoir avec toi, dans l’Embouchure. Et nous l’aurons ! J’ai mes économies.

— Tu as donc quitté Sima pour toujours ?

— … Et pour toi !

— Ça n’ira pas tout seul, comme tu le penses.

— Morte seulement on m’y ferait retourner ! gémit-elle, jetant ses bras en avant, comme deux planches de cercueil.

Il baissa la tête, heureux et malheureux, puis :

— Où vas-tu, maintenant ?

— Chez toi, à Japsha Rouge.

Minnkou sourit amèrement :

— Tu n’y penses pas : il y a deux jours et deux nuits que je ne sais plus ce qui se passe sur la terre, mais je crois bien que, cette fois, Japsha Rouge viendra toute seule rejoindre la maison du cantonnier que voici.