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la cheville, rôdait dans les environs de la taverne, mais, vu la consigne de Sima, personne n’osa le prévenir.

Le surlendemain à l’aube, quand « mort d’homme » allait s’ensuivre, Minnka réveilla Zamfir, le chargea de son paquet et lui fit prendre le chemin de la maison paternelle, mais en lui disant de l’attendre à l’entrée du village. Puis, vêtue comme de coutume, elle descendit dans la taverne. Sima la rejoignit aussitôt. Elle n’en fut pas autrement surprise : « Il n’est pas si fou, pour se tuer », pensa-t-elle.

Et voici le pêcheur d’écrevisses :

— Depuis hier, c’est l’inondation ! fit-il.

« Le Danube a tout couvert. Il est même monté au-dessus du niveau du Sereth. Ainsi, nous serons pris de tous les côtés, car, sûrement, le Sereth rompra, cette fois, ses pauvres digues de terre. »

Le vieux ajouta, en sortant :

— Malheur à ceux de l’Embouchure !

Minnka se leva. Sima la regarda à la dérobée, la vit habillée comme chaque jour et ne pressentit rien. Elle alla s’appuyer contre l’embrasure de la porte, où elle s’attarda un instant, contemplant le boulevard ; fit un pas dehors ; puis encore deux, trois ; se donna un air de promeneuse matinale qui longe sa propriété, la dépassa et, après un coup d’œil qu’elle jeta en arrière, disparut à jamais de la maison de Sima Caramfil.

Au principal passage à niveau de la gare de Braïla, il y avait autrefois un vieux moulin à vent. C’est là que Minnka rattrapa Zamfir qui justement ne savait plus que répondre à mille questions brûlantes que Minnkou lui posait. Celui-ci avait surpris le gamin au moment où il sortait furtivement de la cour de Sima, l’avait suivi et appris de lui que Minnka allait bientôt le rejoindre. Ils avaient continué le chemin ensemble.

C’est à ce hasard que Sima dut d’échapper à une mort certaine, Minnkou au bagne, et son