Page:Europe (revue mensuelle), n° 98, 02-1931.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il ne manifesta aucune surprise, fit venir deux voitures et aida Catherine à déménager.

Mais celle-ci n’était pas la seule qui s’en allait : Minnka s’y apprêtait aussi. Certes, elle n’avait à emporter qu’un baluchon, qu’elle prépara, un soir en grand secret. Sima ne l’en sut pas moins. Et aussitôt il s’enferma dans sa chambre, tirant le verrou.

Un jour et une nuit, on ne le vit point. Cela désappointa Minnka. Elle alla coller l’oreille à sa porte et entendit un bruit de paperasse qu’on triait. Qu’est-ce qu’il faisait ? Allait-il se tuer ? À cette supposition elle ne ressentit aucune pitié, mais de la curiosité, qui fut assez forte pour lui faire renvoyer au lendemain sa fuite décidée pour le jour même.

Le lendemain, il ne reparut toujours pas, et Minnka en fut très contrariée. Elle alla se renseigner auprès du tejghetar qui, glacial, lui répondit que « Monsieur Caramfil avait donné ordre qu’on ne le dérangeât pas ». Elle retourna épier à la porte de Sima. Il écrivait. Il écrivit tout ce jour et une partie de la nuit, mettant de l’ordre dans ses affaires et prenant des dispositions testamentaires, puisque, en effet, il était disposé au suicide. Mais, Sima jusque dans la mort, il voulait tirer d’elle tout le parti possible, se promettant de ne se jeter dans l’abîme que le jour où tous les moyens de regagner le cœur de Minnka auraient été épuisés. Il préparait ces moyens, parmi lesquels, d’abord, une liberté totale.

Bizarrerie du destin humain : les quarante-huit heures que Sima passa à songer à une mort probable, le sauvèrent d’une certaine que Minnkou lui préparait, guettant jour et nuit sur le boulevard, la sortie de son rival pour l’abattre d’un coup de fusil à bout portant. Le personnel des magasins avait bien remarqué la silhouette d’un homme aux allures étranges qui, vêtu d’une ghéba si longue qu’elle lui descendait jusqu’à