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Minnka l’enveloppa d’un regard tendre et pensa : « Pourquoi t’ai-je sacrifié ? »

À Korotichka, centre pêcheur, Matéï, l’ami de Catherine, avait sa coliba pour la pêche. C’était un homme qui aimait la solitude, son dur métier et l’indépendance. C’est par là qu’il avait plu à Catherine. Ils ne se voyaient que bien rarement, mais cela aussi était plus conforme à leur goût commun de totale liberté.

Dès qu’ils arrivèrent, le pêcheur alluma un feu infernal, pendit au-dessus de lui la marmite à polenta, éventra une carpe de dix kilos et la mit à la broche. Dans une autre marmite, il prépara une « soupe sauvage » ou borche, à l’esturgeon. Minnkou l’aidait. Mateï avait dit aux femmes de ne pas se mêler du ménage des hommes, pour que ce ménage n’eût point l’air d’être « de l’abâtardi ».

Elles en furent bien aise. Ce ménage de célibataire ne rappelait rien à Catherine, qui le voyait pour la première fois, mais, à Minnka, il rappelait Japsha Rouge. Même nature dangereuse qui obligeait l’homme à se tenir sur le qui-vive. Presque la même vie dure. Et tout était simple, et sain.

Quatre pêcheurs, compagnons de Mateï, bricolaient autour de la coliba, une grande hutte qui ne servait qu’à abriter les cinq hommes les jours de tempête. Chacun y avait son petit lit de planches, au-dessus duquel pendaient quelques effets. Objets de ménage et instruments de pêche étaient partout répandus, accrochés dans de vieux saules, fourrés dans leurs troncs creux ou protégés sous une lotka hors d’usage, renversée. On voyait même du linge étendu, dont l’aspect n’était que trop… célibataire.

Ce poste de pêcheurs perdu dans la forêt de saules, parla aux deux femmes un langage viril qui leur jeta