Page:Europe (revue mensuelle), n° 98, 02-1931.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par le portail de la cour. Elles étaient enveloppées dans des scourteïka[1] vertes. D’un pas rapide, le groupe prit le chemin du port.

Au débarcadère des pêcheries, tout était préparé pour une balade joyeuse dans les saules du Danube. Une lotka[2] fluette, appartenant à l’ami de Catherine, regorgeait de friandises, de vins, et d’eau-de-vie. Minnkou n’était pas encore là et de cette absence Minnka se fit du mauvais sang. Il vint cependant, peu après, tout ragaillardi. L’embarcation prit le large, décente. Les femmes s’étaient couchées l’une contre l’autre, couvertes d’un tapis rustique, cependant que les gamins s’amusaient avec l’eau.

Ce n’était pas la seule lotka en fête qui traversait le Danube. Une multitude d’autres barques sillonnaient la vaste étendue du fleuve, certaines emportant même des musiciens. La plupart semblaient voguer à la dérive, heureuses du soleil, de la bonne chaleur où elles s’attardaient comme si elles craignaient de s’engager dans un fourré engourdi par l’hiver.

On tournoyait sur place et on buvait au son des violons et des tsambales. Parfois, des chants mélodieux de femmes retentissaient, clairs dans l’espace, pour de longs moments. On entendait des échanges de souhaits et des apostrophes plaisantes, des rires, des cris apeurés. Notre lotka les écouta, longtemps, silencieuse, puis, elle mit le cap sur l’autre rive et disparut comme une anguille.

Avant que le défilé de Korotichka les eût englouties, les deux femmes levèrent la tête pour contempler les innombrables navires, leur forêt de mâts et la vaste ceinture éblouissante du Danube.

Minnkou chantait, la mine navrante. Tsatsa-

  1. Manteau féminin populaire.
  2. Barque de pêcheur.