Page:Europe (revue mensuelle), n° 98, 02-1931.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Minnka amorce déjà son Premier Mai ? Bravo ! »

— Oui, Zamfirika ! fit-elle, mélancolique. Nous l’amorçons… Nous irons même passer l’après-midi dans les saules, pour nous venger de l’hiver.

Une odeur endiablée, dégagée par les fléïlkas en train de griller, piqua les narines et mit l’appétit au galop. Minnka les servit fumantes, sur deux rondelles de bois dur, qu’on appelle foundd.

Les deux femmes, debout, n’en firent qu’une bouchée, Zamfir et Toudorel les ayant d’ailleurs passablement aidées. Et elles tenaient encore le verre à la main, songeuses, quand Sima, allant à ses affaires, traversa la taverne, l’air préoccupé.

— Écoute, Simika ! lui cria sa femme ; je te préviens : aujourd’hui ça va barder !

Sima se retourna, le regard lointain :

— Qu’est-ce qui va barder ?

— Je n’en sais rien… Je dis, seulement : c’est Premier Mai ; fini l’hiver !

— Eh bien, Minnkoutsa ! miaula-t-il ; amuse-toi, je ne m’y oppose pas !

Il disparut. Elle le suivit du regard, en murmurant :

— Et si tu t’y opposais, mon pauvre, cela reviendrait au même !

Elle remplit les verres, trinqua avec Catherine et dit, la mine attristée :

— Vivat Premier Mai, chère tante ! C’est « notre septième », celui-ci !

Catherine remarqua sa mine et l’apostropha :

— Ne gâte pas ta journée !

— J’en suis bien loin ! Mais, tout de même, c’est triste de ne pas avoir barbatt à sa mesure !

À dix heures, la taverne était comble du monde le plus joyeux qui soit. Les garçons ne pouvaient plus s’y frayer un chemin. Carafes, bouteilles, cruches,