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faire vivre l’ensemble de sa personnalité, ses moyens n’avaient point de limite, car ils se renouvelaient constamment par l’improvisation. Il y en avait cependant qui étaient devenus classiques et qui ne revenaient dans sa conversation que par surprise.

Pour commander à son interlocuteur un silence, douloureux à tous deux, elle se taisait brusquement, mettait son visage de profil et soulevait violemment la main, comme emportée par le vent, pour la laisser aussitôt redescendre lentement, telle une plume. Debout, son bras retombait le long du corps, droit et plein de lourdeur. Assise à une table, la main se posait sur celle-ci et semblait mourir.

Elle accueillait une joyeuse nouvelle qui la concernait intimement en se montrant de face, en baissant les paupières, en esquissant un sourire qui mordait ses lèvres, mais que ses lèvres ne dissimulaient pas et en ouvrant largement ses bras, pour les laisser ensuite enlacer ses propres épaules, dans un tendre serrement. Là, longtemps ses doigts meurtrissaient l’étoffe, comme les griffes d’une chatte. Parfois, elle y ajoutait un léger dandinement de son buste.

Un étonnement passionné lui faisait incliner la tête en arrière et ouvrir grands ses yeux bleus aux longues paupières brunes, alors que la bouche semblait bouder et que les bras, s’allongeant en avant, réunissaient les mains comme pour une prière, donnaient au poignet un mouvement oscillatoire de pièce mécanique qui se visse et se dévisse.

Dans une discussion, qu’elle fût animée ou paisible, le jeu de ses premiers instruments d’expression précédait toujours sa parole, l’accompagnait tout au long jusqu’à la supprimer enfin et en caractériser, seule, les nuances.

Tout cela était naturel, instinctif.

Les intimes et les habitués de Tsatsa-Minnka arri-