tellement belles, mais si éloquentes dans tout ce qu’elles voulaient exprimer et même quand elles n’exprimaient rien. C’est par ses mains, plus que par tout le reste de sa personne, qu’elle répandait autour d’elle le tumulte de sa généreuse jeunesse. Leur jeu adroit, d’une variété infinie, disait bien plus que sa bouche, qui, par crainte instinctive de trop dire, réduisait ses expressions au minimum de leur intelligence.
Minnka, enfant, aimait à penser à haute voix tout ce qu’elle voyait et sentait. Mais son père, homme bourru, était toujours là pour la frapper sur la bouche du dos de sa main noueuse. Les jours de fête même, à table, alors que tout chrétien doit plus de bonté, plus de tolérance à ses semblables, père Alexe ne pardonnait pas la moindre vivacité de langage. Pour un rien, que ce fût à sa femme ou à ses enfants, un coup du dos de sa main leur ensanglantait la bouche. Il n’accompagnait cette violence d’aucune explication.
Ainsi terrorisée, Minnka prit dès l’enfance l’habitude de rendre sa parole incomplète, lui enlevant tout ce qu’elle pouvait avoir de chaud, de personnel, de passionnant. Mais sa riche nature n’admit pas d’être châtrée de la sorte. Et, inépuisable dans ses moyens de s’affirmer, elle se rabattit, tumultueuse, sur ses bras et ses mains d’enfant, les douant au décuple de la couleur, de la finesse, de la violence même qu’une brutalité impie avait bêtement enlevées à toute manifestation verbale. Tsatsa-Minnka devint une gracieuse mi-muette que tout le monde comprenait à merveille, dès qu’un bout de phrase, une exclamation, une expression des yeux et parfois un pli de son visage, étaient accompagnés du moindre mouvement de ses bras, de ses mains ou de ses doigts.
Elle avait maintes façons d’exprimer le même sentiment. Pour les exprimer tous, c’est-à-dire : pour