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qui permit à sa femme de continuer à chevaucher ses douces illusions. Elle le fit avec un élan dont l’effet immédiat fut qu’elle devint amoureuse de son mari. Celui-ci n’apprécia ce bonheur que vaguement, sa tête tout entière à sa fortune menacée. Minnka redoubla sincèrement de tendresse, l’aimant même, jusqu’au jour où les verrous de sûreté appliqués contre elle au dépôt de marchandises lui ouvrirent brusquement les yeux sur le grave malentendu dont elle était victime.

C’est à ce moment qu’elle s’aperçut du peu de place que sa jeunesse, sa beauté, sa passion occupaient dans le cœur de Sima : « Son amour pour moi ne va pas au delà des brides de sa bourse », se dit-elle. Et se jetant dans les bras de Catherine, elle s’écria :

— Voilà ce que c’est que de ne pas avoir barbatt à sa mesure[1] !

Le jour du Premier Mai, on buvait jadis en Roumanie de nombreux verres de péline, vin dans lequel on a fait macérer des feuilles d’absinthe, qui lui donnent un goût amer. Tout le monde en boit. Et on ne croit avoir bien fêté le printemps, que parvenu à son « quarantième verre ». Mais cette vaillance n’est pas à la portée de tout le monde.

Il y eut cependant une foule de jeunes gens qui, la veille de ce jour, dirent à la belle tavernière :

— Tsatsa-Minnka ! Si je terrasse demain « les quarante verres », sans aller sous la table, me permettrez-vous de vous embrasser la main ?

On aimait tant ses mains ! Non pas qu’elles fussent

  1. En roumain, en sus des noms : mari, mâle, homme, il y a celui de barbatt, qui synthétise tous les trois, avec un sens plus précis de virilité, de vaillance, d’héroïsme.