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en un clin d’œil et dresser à leur place de magnifiques appartements.

Sima se mettait alors à tourmenter entre ses doigts la pointe de sa barbiche et répondait :

— Mêlez-vous de ce qui vous regarde.

— Mais, voyons : la plupart de ces misérables-là ne vous paient pas leur loyer depuis des années…

— … Est-ce vous qui perdez quelque chose ?

— … Et puis, soyons juste : un tel voisinage nous déplaît fortement !

— Eh bien : déménagez !

Il n’y avait rien à comprendre.

Minnka comprit.

Tour à tour, passive, fiévreuse, taciturne, et loquace, mais toujours simple, naturelle, elle évoluait au milieu de ce monde divers, comme le poisson dans l’eau. En moins de quinze jours, après son arrivée, il n’y eut plus de taudis crasseux, ni de vespasiennes puantes. Aidée de plusieurs badigeonneuses, elle jeta pêle-mêle dans la cour toute la misère humaine que contenaient les masures, y compris leurs habitants, nettoya, désinfecta, blanchit. Les latrines, elle les fit vider, puis, les noya dans du phénol. La cour fut tout entière raclée et recouverte de gravier.

On l’adora. Sima la regardait faire et lui disait :

— Ce que tu fais là, tout le monde le fait à Pâques. Mais cette propreté ne dure pas, chez nous, car la crasse fait partie de l’existence de ces pauvres gens. Tu t’en convaincras.

Elle ne mit pas dix semaines à donner raison à son mari : la cour, les masures, les latrines avaient repris leur physionomie éternelle : l’ordure. On eût dit que rien n’avait été fait.