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daires Sima : une largesse bonasse et prudente vivant chétivement à côté d’une ferme avarice.

Une architecture d’imagination populaire a fait bâtir la moitié de Braïla d’après un plan unique et sentimental. Les dix rues et boulevards, parfaitement courbes et fort interminables, qui ceignent le noyau de la ville, sont presque entièrement dépourvus de maisons à étage. Rien que des rez-de-chaussée, pendant de longues distances. Chaque propriété est rectangulaire. Chacune a sa cour et son jardin, qui représentent la moitié de la surface totale du lot. L’autre moitié, parallèle à la cour, est occupée par les habitations qui vont toujours à la file et dans l’ordre suivant : une « maison de face », composée de plusieurs pièces, donne sur la rue ; c’est toujours la plus belle ; les autres appartements, tels les wagons d’un train, vont à la queue-leu-leu jusqu’au fond de la cour, mais en amoindrissant immanquablement leur confort et leur capacité. Ainsi, toutes les bourses en ont pour leur argent, et on peut habiter à Braïla, sur un boulevard, en ne payant qu’un loyer de banlieue.

La propriété de Sima Caramfil, sise justement sur le boulevard Carol, ne faisait pas exception à cette règle. Bien mieux, elle en exagérait le sentimentalisme, ou la coutume, obligeant à vivre, dans une promiscuité inconcevable, des locataires de premier ordre à côté des plus misérables parias.

Possédant deux lots réunis, sa propriété avait une forme carrée, dont un angle droit dressait ses deux rangées de belles bâtisses, l’une vers le boulevard, l’autre vers une rue assez importante. Sima occupait la rangée qui donnait sur la rue, ainsi que le