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les décharge. Il enfonce ses mains dans les blés, soupèse, flaire et n’arrête pas de crier aux hommes qui mesurent les grains : il trouve que le boisseau n’est jamais assez plein.

— Et la taverne ? Comment est-elle ?

— Elle est grande comme une église et pleine de paysans qui attendent d’être réglés et qui mangent et qui boivent.

— Bien. Va, maintenant, t’amuser. Tu n’as rien d’autre à faire aujourd’hui.

Le gamin s’en alla, un peu effaré. Minnka s’habilla sobrement et sortit sur la longue galerie vitrée qui donnait sur la cour, où elle s’installa mollement dans un fauteuil, derrière les rideaux transparents.

Sima n’était plus dans la cour. Les chars, un à un, s’en allaient. Minnka examinait les visages des paysans qui venaient de vendre leurs grains à son mari et leur trouvait une résignation tantôt gaillarde et tantôt féroce, qu’elle connaissait bien. Mais la plupart étaient saouls et pas trop mécontents.

Elle évalua ensuite le prix des acareturi de Sima. Certes, cela représentait une grosse fortune, mais qu’est-ce qu’une grosse fortune ?

— « Ça n’a pas de cœur », se disait-elle. « C’est pour un homme et sa famille. Et après ? En quoi cela intéresse-t-il les autres ? »

Minnka partit à la recherche du cœur de son époux, ou plutôt : à la découverte de la physionomie de son bien-être. Elle voulut savoir pourquoi les petites gens disaient tant de bien de lui ; en quoi sa fortune pouvait « tenir chaud aux autres ».

Pour l’apprendre, il lui fallut du temps. Mais au bout d’un mois, — durant lequel elle ne fit que de brèves incursions dans ce domaine inconnu, — elle découvrit facilement ce que tout homme du peuple, en Orient, est avide de découvrir chez leurs légen-