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milliers de fagots de jonc, qu’il scella de son mieux avec de la glaise. Ainsi, le sol de sa chaumière et de sa petite cour fut élevé de plus d’un mètre, mais cela ne suffisait pas à le mettre à l’abri de l’inondation. C’est pourquoi il l’entoura d’un parapet très large et haut de deux mètres, vraie muraille de forteresse, faite de terre et de deux rangées de branchages de saule. Le saule, se trouvant dans son élément, poussa de partout et cimenta, de ses racines, le parapet.

— Maintenant, mon frère le Sereth, vas-y !

Le Sereth y alla, naturellement, mais il ne put rien sans doute contre père Andreï Ortopan, puisque nous le voyons toujours solidement ancré dans sa forteresse, à Japsha Rouge.

À part son fils, qui le seconde en tout, père Andreï n’a, près de lui, d’autres êtres qu’un chien et deux chèvres. Ni volaille, ni porc, ni vache, ni cheval, comme dans tout ménage paysan. La chaumière, — deux pièces exiguës, — est toute de boue et de jonc. Dans l’une se dresse, imposant comme son maître, un fort métier vertical pour le tissage des nattes et des corbeilles. Dans l’autre, un lit de planches nues et un fourneau de terre, ou poêle, que nous appelons soba. Ordre et propreté irréprochables. Tout est rude, rêche, ascétique. Les murs sont badigeonnés à la chaux. On n’y voit que peu de meubles et d’objets : une table, deux chaises, trois tabourets, un petit fût à eau potable, quelques assiettes, cuillers de bois et deux marmites, l’une pour la polenta, l’autre pour la soupe. Une plosca et un fusil à deux canons sont suspendus à un clou. Dans un coin, une caisse fermée contient la farine de maïs, et, à côté d’elle, une autre caisse renferme les vêtements et le linge de l’ermite.

Dans l’atelier, de belles gerbes de soie de massette pendent au mur. C’est pour la filer au cicârâc et en faire la trame des nattes. Elles brillent d’un beau