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Tsatsa-Minnka[1]


À JAPSHA ROUGE


À Japsha Rouge, les marais sont, à la fois, généreux et impitoyables pour l’existence humaine, à l’exemple de tout ce qui est force inconsciente sur la terre.

Ici, le Sereth gronde, menace, détruit et crée, sans répit : c’est ici qu’il frappe de tout son amour et toute sa colère. Japsha Rouge, c’est le temple où il continue de brûler la meilleure huile de sa passion contrariée. Qui veut lui violer ce refuge est à l’avance voué à une mort certaine.

Ici, le fourré de jonc est dense comme une brosse et haut de cinq mètres. Le ciel est traître ; le voisinage, plus que dangereux. La voiture, la bête n’y pénètrent pas. L’homme, cette bête qui passe partout, y pénètre, mais non sans en sortir avec, au moins, une écorchure dont il gardera toute sa vie le poison.

Le loup y est toujours présent et prêt à vous déchiqueter. La piqûre de moustique met le corps en flamme. La sangsue même, si bienfaisante dans la médecine, vous saute au visage et vous aveugle. Moustiques et sangsues forment, en l’air et dans l’eau, une pâte épaisse. Les loups, par troupeaux, s’y fraient chemin en souffrant autant que l’homme.

  1. Voir Europe, no du 15 décembre 1930.