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Pour cela, je prie Dimi de lui demander le pardon le plus humble…

À ce moment, la porte s’ouvrit toute grande, sans qu’on eût frappé ; et dans son cadre, l’oncle Anghel apparut avec Adrien, par derrière. Il voulait se tenir droit, et il croyait sourire. Les habits délabrés, son manteau chiffonné jeté sur les épaules, les bottes crottées des boues passées, le bonnet de peau de mouton à la main, il semblait un vieux mendiant. Il salua à la mode ancienne :

— Bonsoir, honnête assemblée !

Son apparition soudaine, dans ce triste état, émut tout le monde. L’oncle Dimi et sa sœur fondirent en larmes. Le premier se jeta aux pieds de son malheureux frère et lui embrassa les bottes. L’autre pleura sur les mains qui sentaient l’alcool.

— Pauvre frère !… pauvre frère ! Ce que tu es devenu !

L’oncle Anghel, dénué d’émotion, releva son frère et l’embrassa, ainsi que sa sœur. Puis, il alla baiser la main du prélat, serra la main de ceux de son âge, et fit embrasser la sienne par les jeunes.

Ensuite il s’assit, à la place qu’on lui indiqua à l’autre bout de la table, face au prêtre. Dans le silence qui suivit, on n’entendait que les sanglots du frère et de la sœur, qui continuaient à pleurer.

Aussitôt assis, il effaça son sourire, et son regard se glaça. Il dit :

— Pourquoi pleurez-vous ?… Ça ne sert à rien.

Le calme revint, mais personne n’osa parler. Le vieux prêtre fixait d’un regard intelligent son malheureux cousin, presque aussi vieilli que lui ; et il dit, d’une voix ferme, empreinte de bonté :

— Anghel, je me permets de te rappeler que tu es