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comme les cornes de l’escargot qui touchent au danger : les figures ne lui plaisent pas :

— Si ces hommes sont de braves gens, je ne crois plus à mon cœur, se dit-il en serrant dans sa poche le revolver qui ne lui manquait jamais.

— Bonjour, Anghel ! dirent-ils, il fait bon chez toi !

— Soyez les bien-venus, voyageurs ! Mauvais temps, hé ?

Mais il ajoute en soi : « Je suis foutu ! ce sont des voix d’étrangleurs. »

— Nous avons faim, Anghel, et nous voulons boire. On dit que ton vin fait fondre la glace.

— Peut-être bien, mes amis. Mais je sais qu’il y a une glace qu’il n’arrive pas à fondre.

— Ha, ha ! tu as de l’esprit, Anghel. Et quelle est cette glace ?

— Eh bien, vous devez la connaître : on l’appelle « cœur de chien », mais c’est mal dit, car on insulte ces pauvres bêtes qui sont de vrais amis, dit-il en montrant à côté de lui deux gros chiens de berger, qui ne le quittaient d’un pas.

— Bah, tu as des idées noires. Le monde n’est pas si méchant.

— Peut-être ; mais quand on est tenancier au grand chemin, comme moi, on en voit de toutes les couleurs, et on dort la nuit avec un œil ouvert.

Cette mise en garde fit sentir aux clients à qui ils avaient affaire. Ils furent servis : du lard, du pain et du vin.

— Tu ne veux pas, Anghel, nous tirer du vin frais de la cave ? dit l’un d’eux, qui se donnait un air doux.

L’oncle rit jaune et pensa : « Ah, vous voulez me faire entrer dans la souricière ! » Il répondit :

— Je viens de tirer, il y a une minute, un pot de