— Oui, mon duc… du Sahara ! Car, aujourd’hui et les deux jours qui vont suivre, les socialistes tiennent leur premier congrès. Et comme Polixéni a ici une vieille tante de qui elle doit hériter, son mari ne s’est pas opposé à ce que sa femme l’accompagne et passe ces trois jours auprès d’elle.
— Pas entièrement, dit Polixéni. Ainsi, cet après-midi, vers les cinq heures, je dois aller rejoindre mon cocu à la fête champêtre de Baneasa, où les congressistes de province vont contempler le déploiement des bannières et des forces socialistes de la Capitale.
— À cinq heures ? s’écria Mikhaïl. Alors je suis fichu !
— Pas tant ! Jusque-là, nous aurons le temps de nous aimer six fois de suite.
— Six fois de suite ? Seigneur ! As-tu l’habitude de tels hercules ?
— C’est pourquoi il faut boire, dit Loutchia. Et plus que des vins français, à partir de ce moment.
— Hum ! fit Mikhaïl. Comme si les vins indigènes n’étaient pas tout aussi excellents ! Un vrai Cotnari, par exemple.
— Ça ne fait rien. Je suis amoureuse de la France, de Paris. Paris ! Qui m’y mènerait, je serais son esclave pendant une année !
— J’en connais un qui y va tous les jours, mais il court un peu trop fort.
Adrien éclata de rire, et on dut raconter aux femmes l’histoire du pauvre « Méphisto ».
— Tout de même, dit Mikhaïl chagriné ; ce n’est pas un plaisir pour nous, de voir Polixéni nous quitter dès cinq heures.
— Ce ne sera que pour un moment, mon amour ! Le soir, ces braves chefs socialistes se réuniront en une longue séance de Comité, où je n’aurai rien à chercher.
Adrien se tapa le front :
— J’ai une idée ! Nous irons tous à la fête. Ne suis-je pas moi-même une espèce de socialiste ? Nous ferons semblant de ne pas nous connaître. Et à la fin nous nous retrouverons. De cette façon, Mikhaïl ne perdra pas de vue son trésor insoupçonné.
Tout le monde trouva l’idée géniale. On se jeta sur les