— À part ton abominable « Topolog » tu es un amour !
— Oui, un amour ! confirma Mikhaïl, à moitié ivre, ivre de tsouica et de joyeux espoirs.
Et, se levant maître de lui, fier, narquois, il prit et baisa une main de Polixéni, puis :
— Permettez : Mikhaïl Mikhaïlovitch Kazanski, duc du Sahara ! proclama-t-il et de nouveau il lui baisa la main.
Loutchia parut :
— Eh bien ! Ça va plus vite que…
— …Que quoi ? coupa Mikhaïl, se précipitant sur l’aimable amie et la soulevant dans ses bras. Peux-tu dire que tu ne t’y attendais pas ?
Il se mit à tourner en rond dans les deux pièces, découvrit l’enfant, l’étouffa de baisers et finit par hurler, les bras au ciel :
— Oh ! oh ! mais c’est la fête ! le baïram !
Il avala, coup sur coup, deux autres verres de tsouica.
— N’est-ce pas que je sais penser à tout ? dit Loutchia.
Mikhaïl extasié regarda la jeune orientale :
— Polixéni… Polixéni ? Cela veut dire, en grec, la trop étrangère ! Et moi, moi ? Ne suis-je pas aussi le trop étranger ?
— Vous parlez grec ? demanda Polixéni.
— Ils le parlent tous deux, dit Loutchia.
Polixéni s’écria :
— O-ô-oh ! Alors, je vous chanterai ce soir :
Slsdso, sldsso, émorfi microùla !
Mikhaïl perdit complètement la tête. Debout, le visage embrasé, les cheveux en désordre, il leva la main :
— Écoutez, amis, figurez-vous que je vais mourir ce soir…
— Mourir ce soir ! dit Loutchia. Merci ! Ce soir tu ne vas pas mourir, mais faire l’amour, plutôt, avec cette belle Grecque-là, — n’est-ce pas, Polixéni ?
La Grecque vint jeter ses bras autour du cou de Mikhaïl :
— Oui, mon palikare, tu vas mourir dans mes bras, ce soir.
— Écoutez ! C’est le baïram ! Je prends le commandement ! Tout pour l’amour aujourd’hui ! N’est-ce pas, Adrien ?
Les deux amis se regardèrent. Et eux seuls comprirent toute la signification de leurs regards.
— Oui, approuva Adrien ! Tout pour l’amour !