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nom du Parti. Il a poussé les masses à l’organisation, au socialisme. Cela, chacun est libre de le faire.

— Et puis, dit Adrien, je crois ne pas être un « aventurier ». Un vagabond, oui.

— C’est la même chose ! dit Cristin.

— Non, ce n’est pas la même chose. Mais en admettant que tu aies raison, dis-moi : si je deviens membre du Parti, je ne serais plus un aventurier ? Je ferais peau neuve ? — Pauvre Cristin ! Voilà bien votre mentalité marxiste ! Et voilà pourquoi les partis socialistes couvent tant de traîtres, de renégats, de parvenus. Vous ne regardez pas au cœur de l’homme, à son caractère. Son masque vous suffit. Son masque dévot, respectueux du dogme. Eh bien, vous irez loin avec cette tactique !

Cristin, un instant confus, revint à la charge :

— Non, mais ! Il ne t’est pas non plus permis d’agir à ta tête. Tu te fais inscrire au syndicat mixte, ainsi que tu l’as fait à Braïla, tu paies trois mois de cotisation, et puis, bonsoir ! On n’entend plus parler de toi. Maintenant, tu ne fais même pas partie de ton organisation professionnelle. Tu en es exclu !

— Qui m’a exclu ?

— Mais les statuts, parbleu !

— Je me moque de vos statuts ! La révolte ne sort pas de votre paperasse, mais bien du cœur de l’homme opprimé, qui a existé avant les registres. Je suis avec ce cœur-là. Et ce n’est pas vos statuts qui m’en empêcheront !

— Ils vont se chamailler ! dit Mikhaïl, s’adressant à Craïoveanu.

— Je le crois aussi. C’est pourquoi il est préférable d’aller nous coucher.

Craïoveanu se leva, las de discuter sans espoir d’arriver à une entente. Payant ce qu’ils venaient de consommer, Nitza et Macovei firent remarquer l’impossibilité pour eux, de « manger chaud » :

— Dès qu’on quitte le régime du pain et fromage, tout de suite ça vous coûte presque un franc, et alors on est fichu. Le lendemain on doit se contenter de pain sec. Et souvent, même pas ça.