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pantalon, ainsi que ce qu’on fait de ces choses qu’on cache. Mais, de Moscou à Athènes, de Bucarest à Varsovie, et de Constantinople à Sofia, à Belgrade et à Budapest, l’enfance même ne connaît que trop (jamais trop !) toute cette question-là. Elle est toujours actuelle, parce que faisant partie de la conversation presque courante. Car l’homme peut rarement converser sans se mettre en colère, et alors il faut pouvoir jurer copieusement. L’Occidental, misérablement dépourvu de jurons « succulents », avale sa colère et en fait des « refoulements ». L’Oriental, qui en est abondamment pourvu, la vomit promptement et permet ainsi à la vie saine de suivre son cours.

En Roumanie, le nom des organes sexuels et ceux de leurs fonctions sont dans la bouche de tout le monde. Ils sont si aimés qu’on leur a même créé de tendres diminutifs. Ainsi (pour employer les termes voilés) la « daraverra » de la mère, adorablement évoquée à tout propos, s’appelle encore « daraverroutsa » et « daraverrica ». Et quand on veut la bafouer, on lui dit « daraverroï ». Elle est le trésor de la langue roumaine et le bonheur du peuple tout entier. On la « règle » du matin au soir. D’ailleurs ce « réglage » est appliqué à tous les saints de l’église et à l’église même, ainsi qu’à toute la famille divine, partout et devant les enfants : au foyer du paysan, comme à ceux du ministre, du pope et de l’évêque. Toute la nation jure. On prétend que cela s’est fait à la Cour même, par la bouche de l’ancien prince héritier, l’actuel roi Charles II, qui doit être un homme rudement sain. Voici dans quelle circonstance :

On raconte que feu Charles Ier de Hohenzollern Sigmaringen, réunissant un jour son conseil de la couronne, décida, dans le but de le familiariser avec la besogne royale, que son neveu, alors enfant de six ans, assisterait aux discussions de ce conseil. Noble assistance : on y voyait notamment les membres de marque de feu le parti conservateur : Carp, Maïoresco, Marghiloman. On y débattit, comme bien on pense, des affaires concernant le bonheur du peuple. Le prince-enfant écoutait, boudant un peu. Le conseil fini, le respectable roi, seul avec le petit héritier du trône, demanda à celui-ci :