Page:Europe, revue mensuelle, No 95, 1930-11-15.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur leur front. Traversés par des rêves qu’on voit, leurs faces déballées parcourues par des ondes, dernières volutes des lames de fond envoyées par les régions humaines, qui les soulevaient comme les insectes soulèvent les animaux morts dans les fossés. Ils bourdonnaient, se retournaient. Ils essayaient de reparaître dans le jour avec les trouvailles du sommeil, de ne pas les oublier. Mais ils les laissaient retomber, ils revenaient les mains vides plus tristes que les femmes avortées. Le sommeil est pour un vivant le désintéressement le plus semblable à celui de la mort : il était pour eux la pointe même de l’attention, l’extrême de leur effort, tout ce qu’ils pouvaient connaître des réclamations de l’homme.

Que de fois j’aurai répété le mot homme. Mais qu’on m’en donne un autre. C’est de ceci qu’il s’agit : énoncer ce qui est et ce qui n’est pas dans le mot homme.

Que faire de ces êtres de verre où l’on voit passer jusqu’aux songeries ? Ce sont les fous de cristal d’Edgar Poë. Mais du verre, cela se brise. Ils sont encore comme les poissons transparents des grands fonds. Mais des poissons, cela se pêche.

Parce qu’ils sont nombreux et collés les uns sur les autres on commence par les croire impénétrables : beaucoup de transparence fait de l’ombre. C’est l’histoire du mica. Il suffit de trouver les plans de clivage.

On m’a toujours laissé croire que les hommes avaient de l’épaisseur, je trouve qu’il y a quelque chose qui les empêche d’être opaques comme de vrais hommes, comme ceux dont on parle par exemple dans l’Histoire, dans la poésie. L’homme ne sera-t-il donc jamais qu’un personnage historique ?