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représenter le taux. Ces hommes qui ouvraient le dimanche matin les sacs de courrier apportés par la malle des Indes étaient ancrés là pour gagner plus d’argent que chez eux, dans les capitales de leurs comtés, dans leurs préfectures françaises, c’est-à-dire pour leur âge mûr et leur vieillesse le pouvoir d’attendre la mort sans rien faire, sauf peut-être du jardinage ou du golf.

À cinq heures après-midi, comme ils vivaient à la cadence fixée par le soleil, ils sortaient de leurs abris et essayaient de s’imaginer qu’il y avait des rivières dans le monde. Toute la journée, à Aden, il y a au centre du ciel blanc la présence du soleil, les rochers éclatent, à la première défaillance d’attention les hommes peuvent être foudroyés, mais vers le bout de la journée le soleil se dirige vers le sémaphore du Shamshan. Une sorte d’armistice est conclue et une moitié des rues est délivrée. Les ombres s’allongent comme des tiges dans le fond des ravins, les ventilateurs font leurs derniers tours comme une hélice au moment de l’atterrissage.

Ils abandonnaient alors les classeurs où dorment les contrats, les copies de lettres, les codes, les connaissements, les chartes-parties.

À Crater, sur l’Esplanade, étaient assemblés, autour du terrain de football, les Arabes de l’Hadramut, du Yémen, les Hindous de toute caste, les noirs de la côte africaine, mêlés aux fantassins de Sa Majesté. L’orchestre du régiment punjabi jouait parfois. Les jours de sabbat, les jeunes Juifs se déniaisaient, n’osant pas encore raser leurs papillotes, mais seulement porter les vestons clairs qu’ils revêtiraient définitivement un jour sur les trottoirs de la place Mehemet Ali et à l’entrée du Mouski, au Caire.

Les autos partaient vers les lieux arrosés, vers le jardin de l’oasis de Sheikh Othmann, vers Fisher-