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du drame et la fable soient composés de tous les contresens à propos de la vie.

Ces hommes étaient les pièces de rechange d’un mécanisme invisible qui ralentissait le dimanche, à cause de la religion, et que grippaient parfois les accidents périodiques et violents des crises économiques, tout cet amas boulonné, sans soupapes, vibrant comme un édifice de tôle. Dans toutes les villes du monde il y a des hommes qui attendent le jour où ils verront sauter le couvercle et éclater les volants.

Groupés sous des raisons sociales, ils ne cessaient pas d’être en proie à la cérémonie guerrière du commerce international, ils faisaient penser à des nègres qui dansent dans la nuit pleine des esprits et des reflets jusqu’à tomber.

C’étaient des victimes, comme Emmanuel Kant, de cette ordonnance horrible qu’est un emploi du temps : ils ne l’avaient même pas, comme Kant, inventé, Kant avait au moins une porte de sortie, personne ne l’empêchait d’en inventer un autre, et sept par semaine.

Six heures : lever, douche. Sept heures ; premier déjeuner. Huit heures : bureau. Midi : second déjeuner. Une heure : sieste. Deux heures : bureau. Cinq heures : promenade, club. Sept heures et demie : dîner. Dix heures : sommeil.

Cela ressemble aux tableaux d’instruction affichés dans les bureaux des colonels, des censeurs, des directeurs de prison. Comme cette partie de plaisir durait pour chacun d’eux deux étés et trois hivers, cherchez après le sommeil et le bureau le loisir et l’heure d’être un homme. Ils n’avaient même pas le cinéma, le samedi soir, ils couraient sous les coups d’un fouet qu’ils n’avaient jamais vu.

On peut comprendre que la Révolution a des raisons plus méthodiques, mais point de raison plus