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tude des acteurs et par l’entrecroisement de leurs trames. Comprendre les lois de cette machinerie, la source de sa force motrice, paraît réellement important à un jeune homme qui commence maladroitement, après un petit nombre de vagabondages sans portée, à entrevoir le but vers lequel il n’appartient qu’aux hommes de marcher. Ces gens jouent leurs rôles au milieu de petits drames anecdotiques qui représentent à la manière des pièces d’ombre les mouvements exemplaires de la vie des hommes civilisés : ces rôles sont régis par des habitudes et des passions faiblement réveillées, par la vie, ce jeu si simple de coutumes tristement consenties. On voit déjà à cette place la justesse de la comparaison stoïcienne du théâtre, bien qu’il faille éclairer ces stoïciens magiques et profonds.

Les habitants d’Aden comme ceux de Londres et de Paris — ce sont d’ailleurs les mêmes plantes dans une serre où la température leur permet de grossir — paraissent, s’arrêtent, marchent, pleurent, disparaissent, sont éclipsés sans rime et sans raison. On n’aperçoit pas d’abord les prétextes des entrées et des sorties, des sonneries derrière les portes, des entretiens, on devine simplement que des plans et des forces étrangères alimentent l’action et détiennent les clefs de ces apparences mobiles. Elles se montrent donc aux regards comme les grandes personnes remuent devant la critique des enfants. On assiste à leur existence, il est même facile de reproduire les gestes qu’elles font pour tenter de les comprendre, on saisit presque sur-le-champ qu’ils n’emporteront jamais un tel assentiment qu’il soit possible d’en attendre un seul atome de contentement ou de joie.

Finalement on pénètre ce spectacle abstrait où les figurants n’ont guère que deux dimensions, cette pénétration n’offre pas de difficultés bien que le sens