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rieure est intelligente. Le désespoir se flatte quelquefois d’une subtilité dérisoire.

L’intelligence est une vieille maniaque qui triture les déchets, fabrique des nouveautés avec les ordures des états détruits ; elle arrange des parties égales, sans aucune hiérarchie de portée, de proportions, ni d’attraits. Le fait qu’elle les contemple d’une manière toujours identique à elle-même les réduit à cette égalité. Elle a deux devises : A est égal à B ; cela m’est égal. La vérité sort de la bouche des calembours. Elle s’occupe quand son maître ne trouve rien à faire, parce qu’il lui faut toujours marcher et parler toute seule : quelle vie ! Ce maître la regarde marcher comme un paralytique voit sauter et trembler son bras. Il n’y a aucune raison pour que cela finisse. Le maître ne veut rien, alors il ne rencontre jamais un objet dont l’intelligence lui dise qu’il est réellement important et capable de repousser tous les autres, pour elle la rencontre de telle ou telle pensée est indifférente, elle est trop pure pour indiquer un choix, elle est un miroir qui ne préfère aucune des images qu’il porte, le lieu de toutes les pensées possibles. Elle se moque de tout : elle se plaît aussi bien aux opérations de l’analyse qu’aux figures de tous les mondes possibles, qu’aux vies possibles pour un homme. Toutes les sortes d’algèbre sont le seul rêve qu’elle supporte : l’algèbre de Leibniz énonce toutes les recettes de la vie intérieure, tout ce qui fait oublier les dégradations de la vie extérieure. Avec ses pauvres signaux elle ne propose rien, elle n’a de goût à rien, elle envahit tout l’être et l’homme rongé par elle conclut finalement de l’échec nécessaire de la raison à la défaite universelle des hommes : cette généralisation est la dernière limite de la raison et son opération la plus parfaite. Il ne reste plus qu’à continuer à penser d’une nouvelle façon à la mort. Quand toutes les apparences de la vie ne sem-