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à traiter, dure à comprendre, c’est un mauvais cheval. Elle peut tuer d’une mort humide et pourrie celui qui l’oublie à la seconde où il faut se souvenir de ses façons. Blair ne descend même pas à terre pour contempler les paysages : il a fait vingt-cinq ou trente fois escale à Massaouah et il ne cherche pas à savoir que c’est la plus belle baie du monde avec son cirque de montagnes, ses eaux jaunes et plates qui traînent des rivières de sable jaune, des amas d’herbes comme l’Amazone, et les débris de cet arbre que j’appelle le Flamboyant. Il sait seulement que la navigation n’est pas commode : son action est dirigée là où elle possède tout son efficace.

Tous ces marins se morfondent à périr, Blair, qui pense à ses enfants morts, Beaton, Hiddleston l’ingénieur qui ne rêve que d’un embarquement sur un paquebot, comme un fonctionnaire veut monter d’une classe. Tous ces marins diffèrent moins qu’on ne pourrait le croire des voyageurs de commerce qui font une région française dans une six chevaux Renault.

Je vous dis que tous les hommes s’ennuient.

VII

Aden, Makalla, Mascate sont au nombre de ces enfers que mentionnent les dictons des marins.
Élisée Reclus Nouvelle Géographie Universelle, IX, 856.


MAIS seule l’expérience pouvait apprendre à celui que je fus qu’un mouvement dans l’immense matière anonyme ne remédie pas à des désordres qui n’ont aucun rapport avec ses dimensions : l’étendue ajoute même les siens.